Ilya Répine peindre l’âme russe. Cet artiste du XIXe siècle s’est beaucoup inspiré des sujets traditionnels russes. Mais il n’a pas moins adhéré à la modernité picturale envisagée par le mouvement des « peintres ambulants ». Sa peinture regroupe de nombreux portraits mais aussi des sujets historiques qui ont marqué l’histoire de son pays.

Ce peintre né en 1844 à Chuhuiv près de Karkhov en Ukraine, montre très vite ses capacités pour le dessin. Si bien qu’il entre à l’âge de 13 ans dans l’atelier d’un peintre d’icônes Plus tard, admis à l’école des Beaux-Arts, il se familiarise dans le dessin académique tout en sachant que ca n’est pas sa voie. Très vite, il se lie d’amitié avec le groupes des « artistes ambulants » qui refusent de peindre les sujets de l’histoire scandinave que lui propose l’Académie. En effet ces derniers préfèrent des sujets naturalistes qui évoquent la vie des ouvriers et du monde paysan.

On comprendra pourquoi, lors de son voyage à Paris, Yllia Répine se fascine pour les sujets de Courbet et la littérature de Zola. Mais il côtoie les œuvres des impressionnistes et apprécie les figures en plein air dont il se rappellera dans certains de ses portraits.

Son épouse et ses quatre filles seront d’abord ses premiers sujets. Elles sont assoupies, rêveuses mais toujours présentes. Le réalisme de leur figuration interroge les peintres ambulants qui lui proposent de venir les rejoindre. Mais Répine est un indépendant, ouvert aux idées du moment certes, mais indépendant.

Dans les années 1890 ses sujets de prédilection sont ceux d’une Russie fidèle aux traditions, avec des processions, des portraits de diacres et de popes. Il ne critique pas cette situation, mais ses tableaux montrent surtout ce qui ne va pas. Par exemple, dans une procession, on voit surtout au premier plan un soldat du tsar qui cravache un garçon handicapé qui poursuit la madone. Sensible aux mouvements anarchistes et révolutionnaires. Par exemple,  il peint des scènes qui évoquent l’exil, le goulag et l’effet que cela fait sur le corps et le visage des hommes.

On pourrait comprendre que cette peinture soit réprimée par la censure. Ce qui fut le cas avec la toile représentant Yvan le Terrible avec son fils mort dans ses bras. La scène exacte historiquement, ne fait rien d’autre que de refléter la fragilité de l’empire. En effet, Yvan n’a pas tué son fils, il prend juste conscience de ce que sa folie lui a fait accomplir. Dans ce cadre, Répine se rapproche de l’intelligentsia dissidente des années 1900.

Ou de l’intelligentsia tout court. En effet on le voit peindre magistralement plusieurs portraits de Tolstoï , Moussorgski ou Glinka. L’artiste nous indique ainsi son rapprochement avec les grands artistes du moment et le groupe des Cinq.

A la guerre de 1914, Répine s’installe en Finlande pour échapper à l’horreur de la guerre. Mais il souffre et perd nombre de ses amis. Sa seconde compagne, Natalia Nordman, une écrivaine en herbe l’épaule dans ce qui deviendra un exil. En effet, après le partage des terres, la Finlande devient un territoire indépendant et Répine se trouve un « exilé » à son insu. Pour autant, il se sent toujours un artiste russe. Il continue de recevoir des artistes et poètes, peint et participe à des expositions. Ses toiles sont vendues dans le monde entier mais lorsque le gouvernement russe l’invite à ses propres monographies, Répine refuse.

A-t’il changé d’avis. Oui certainement, aussi bien dans la peinture de ses amis que dans la nouvelle optique du gouvernement bolchévique.

Véronique Proust