Les Mémoires de saint-Simon, chef-d’oeuvre de la littérature française. Ce courtisan nous a laissé des portraits saisissants de la cour de Louis XIV, cruels certes, mais fort pertinents. Admiré par Chateaubriand, Balzac, Mauriac ou Marcel Proust, il laisse un souvenir inoubliable d’une part de l’histoire de France.

Le duc de saint Simon doit une grande partie de sa carrière à son père. En effet, ce dernier était un des favoris de Louis XIII. Page d’abord il devient puis grand louvetier, premier gentilhomme de la chambre et enfin duc et père. Son veuvage le conduisit à épouser en seconde noce Charlotte de L’Aubespine. C’est elle qui mit au monde en 1675 Louis de Saint-Simon. Ce dernier s’intéresse aux mœurs de la Cour dès son plus jeune âge. En 1691 il est présenté au roi et engagé comme mousquetaire. Il achète un régiment et commence ses mémoires dès 1694.

Débute alors pour lui une carrière de courtisan car l’armée réformée par Louvois ne l’intéresse guère. Il démissionne de son poste et expliquant au roi par écrit qu’il préférait être plus assidu auprès de Sa Personne. Entre temps il épouse la fille aînée du duc de Lorges. Elle n’était pas si riche qu’il ne le voulait, mais elle était noble et gracieuse. Il en fut très amoureux jusqu’à la fin de sa vie. Il demanda même à ce que leur cercueils soient liés pour l’éternité, par un crochet.

Assidu à la Cour, Saint-Simon assistait au lever du roi. Il le suivait à la chapelle et dans ses jardins, l’écoutait donner des instructions aux ouvriers. Il observait aussi les courtisans. Mais il avait la fâcheuse habitude de juger les personnes. Aussi lorsque le roi nomma son épouse dame d’honneur de la duchesse de Berry, il demanda à Saint-Simon de tenir désormais sa langue. Alors notre homme se mit à écrire. Il prouva qu’il fallait convoquer les États Généraux, que les ministres étaient trop puissants et qu’on devait les remplacer par les nobles.

Louis XIV se rendit compte que Saint-Simon n’était pas le genre de courtisan qu’il aimait. Du reste le polémiste avait peu d’ami à la Cour excepté le duc de Bourgogne, petit-fils du roi. Alors Saint-Simon pensa s’éloigner de la cour. Mais la mort du dauphin lui laissa l’espoir d’être entendu par le duc de Bourgogne, nouvel héritier. Mais ce dernier mourut ainsi que son épouse, de façon prématurée en 1712. A la mort du roi, le Régent le fit entrer au Conseil. Mais là encore, la violence des propos de Saint-Simon l’écarta du pouvoir.

La seule mission importante qu’il reçut fut une ambassade en Espagne pour conclure le mariage du roi Louis XV avec l’infante d’Espagne. Ce fut pour lui l’occasion de faire respecter son rang. Mais à la mort du Régent, il dut se retirer à la Ferté-Vidame. Là, il termina ses Mémoires.

En effet, il faut reconnaître que le terrible personnage nous laissa un témoignage incontestable sur les mœurs de la Cour de Versailles. Saint-Simon était partout à la fois et surtout lorsqu’il y avait un moment important à la Cour. Lorsqu’à la mort du dauphin, une petite cour se forme autour du duc de Bourgogne, il en fait de suite partie.

Il perçait « de ses regards clandestins chaque visage », repérait les brouilles, les sourires ou les grimaces cachées. Mieux que personne il perçait le secret des courtisans, s’informait des progrès et évolutions des amours clandestines. Par ailleurs, tout comme Proust, il apprenait beaucoup des valets de chambres ou des apothicaires. Il était à la fois cruel mais aussi très sérieux car aucune de ses remarques étaient une invention de sa part. Pour autant, il était un grand chrétien, se rendant à la Trappe régulièrement et fit part de ses écrits à l’abbé de Rancé. Ce dernier ne lui interdit pas de continuer tant qu’il assurait que ses Mémoires seraient publiées à titre posthume.

Saint Simon peint avec des adjectifs « Madame de Castres était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué.. ». Il est constamment cruel et écrit parfois par haine personnelle. Mais tels les personnages de Proust dans la Recherche, sans la plume de saint-Simon, les courtisans de Versailles seraient eux aussi, tombés dans l’oubli. Saint Simon meurt en 1755, couvert de dettes. Son château est mis sous scellés. Le duc de Choiseul ordonne qu’on mette au secret des Mémoires qui ne paraîtront qu’en 1829.