Picasso dessiner à l’infini. Cette exposition du centre Pompidou met en lumière à travers près de 1000 œuvres la créativité prolixe de l’artiste. Elle permet aussi de comprendre comment la multiplication infini des dessins donne accès à une création nouvelle et multiple. Il ne s’agit pas de montrer des chef-d’œuvres mais juste le travail de l’artiste dans son intimité.

Lorsque le très jeune artiste intègre en 1891 l’école des Beaux-Arts de la Corogne, il se confronte très vite à la discipline des copies d’antique. Mines de plomb ou fusain, décrivent le corps humain avec une perfection plastique saisissante. Les dessins de cette époque montrent aussi que Picasso maîtrise l’art classique qu’il va repenser tout au long de sa vie.

Dans les années 1900, Picasso a la révélation de Paris mais aussi des bas fonds de Madrid et de Barcelone. Le jeune peintre fréquente le monde de la nuit, celui de la rue et des cabarets. De nombreux pastels indiquent qu’il cherche la lumière nocturne à la faveur de l’expérience des Fauves et des expressionnistes.

Les sources d’inspiration de Picasso sont multiples. A commencer par les acrobates, danseurs et arlequins qui peuplent le bas Montmartre. En effet, le jeune Picasso fréquente le cirque Medrano et multiplie les dessins et croquis. Ainsi il accentue la dynamique des corps mais aussi leur malléabilité. Arabesques, acrobates, saltimbanques dessinés à l’encre ou l’aquarelle remplissent ses carnets.

Par ailleurs, l’artiste crée de nombreux dessins avec la technique de la ligne claire. Cette technique consiste à réaliser des dessins très synthétiques de la réflexion avant d’être exécutés. Ses Nus ou ses Femmes à la plage qui revisitent un thème cézanien sont réalisés simplement avec seulement quelques traits souples.

Dans les années 1905, il travaille déjà sur l’esthétique des masques africains et sur la toile des Demoiselles d’Avignon. Il rencontre Apollinaire et crée des dessins à l’encre sur la thématique du saltimbanque, s’inpirant alors de la poésie Baudelairienne. Une autre amitié, celle de Braque, l’emmènera à Huerta de Ebro pour une recherche commune, le cubsime. C’est alors qu’à la veille de la Guerre, Georges Braque met au point une technique de papiers collés. Cette nouvelle technique mixte combine le papier collé aux papiers peints, partition d emusique rehaussés de fusain.

L’artiste va travailler sur cette méthode durant toute la Guerre. Mais sa rencontre avec Serge Diaghilev et les ballets russes va dynamiser sa créativité. Ainsi il adapte ses dessins et sa nouvelle technique aux costumes et au décors. Et par ailleurs, il rencontre sa future épouse, Olga qu’il portraiturera savamment en pastel. Picasso quitte alors la Bohème de Montmartre et s’installe avec Olga rue de la Boétie.

Là, l’artiste va réaliser sa série des Fenêtres sortes de natures mortes d’intérieur, agencées tel un spectacle dont les rideaux de scène sont ceux de la fenêtre. On retrouve aussi les objets chers au cubisme: instrument de musique, guéridon, partitions. Ce sont autant d’objets qui lui permet de s’exprimer à l’encre et gouache.

Jusque dans les années 30, l’artiste dessinera au fusain ou à l’encre des constructions cubiques. Pour autant, il s’essaie à des formes plus rondes et classiques, celle d’Élisabeth Walter qui deviendra sa compagne.

En 1937, le bombardement de la ville basque Guernica par les avions allemands bouleverse Picasso. Cette violence raisonnera dans ses dessins. En effet, il désarticule les chevaux, contorsionne les femmes, tire leurs cheveux et tord leur bouche. La figure emblématique du minotaure ressurgit, violente, bestiale. Dans ce cadre, l’encre est un allié de choix pour figurer l’obscurité et la mort.

En 1944, Picasso rencontre Françoise Gillot qui devient sa compagne. Cette dernière est l’opposée d’Elisabeth Walter. Fine, élégante, élancée, son visage de madone est encadré d’une abondante chevelure de jais. Cette douceur onirique inspire Picasso qui ne cesse de dessiner son visage.

L’artiste ne cessera de dessiner au crayon, fusain, encre ou gouache jusqu’à sa mort en 1972.

Véronique Proust