Valtesse de la Bigne une courtisane ambitieuse. Née en pleine révolution de 1848, Louise Labigne connait une enfance misérable. Ses 6 frères et sœurs dorment avec leur mère dans un taudis. Sans doute violée à 13 ans dans la rue par une vieillard, Louise n’a de cesse que de vouloir fuir ce quotidien. Par ailleurs, son père alcoolique et fainéant ne lui donne pas une bonne image de l’homme. Aussi, comprend-elle très tôt qu’il lui faudra vivre sans aucune protection masculine. On la place très jeune dans un atelier de confection où elle s’ennuie beaucoup. Aussi suit-elle la trace des femmes légères du quartier de Notre-Dame de Lorette. Les lorettes sont alors des jeunes femmes à qui il arrive d’accorder des faveurs aux hommes pour arrondir leurs fins de mois, ou bien des courtisanes de métier. La plupart travaille dans ce quartier qui abrite de nombreux ateliers de confection.

Mais Louise a beaucoup d’ambition et elle sait qu’il lui faut changer de nom. Elle choisit de changer le sien et prend comme prénom Valtesse (qui contient le mot altesse). Ce à quoi elle rajoute une particule: Valtesse de la Bigne. Elle sait aussi qui lui manque la culture et la conversation, et elle va y remédier. Un jour, elle rencontre Offenbach, qui est une star à Paris sous Napoléon III. Elle se rend compte qu’il est primordial d’être la maîtresse d’un homme célèbre pour réussir et être connue, et elle séduit le musicien.

Or, ce dernier est un homme à femme et il succombe très vite et passionnément aux charmes de Valtesse. Elle se rappelle alors de la vie misérable de sa mère qu’elle a décidé de ne jamais faire sienne. Aussi, propose-t’elle des tarifs de services très élevés, et elle sait comment ruiner ses amants. Elle note sur un carnet la date de leur venue, la somme encaissée, la situation sociale ou la capacité amoureuse.

Ses atouts sont nombreux: un corps de rêve, une chevelure longue et rousse qui lui vaut le surnom de rayon d’or. Elle est aussi très sensuelle et réalise tout ce que les hommes veulent, sans tabou, à une époque où le mariage arrangé et sans amour est la norme. Cela se sait vite dans la capitale et on imagine le fantasme des clients potentiels. Le prince de Sagan tombera sous ses charmes et lui offrira un hôtel particulier somptueux boulevard Malesherbes.

C’est à cette occasion qu’elle commandera un lit à la hauteur de ses ambitions. Un lit large, sculpté en bronze doré, somptueux, que surmonte un dôme, comme à la Cour. La tête de lit est ornée d’une couronne comtale qui surplombe son blason, un V orné de trois fleurs. Et ce même blason figure sur les draps et ses oreillers.

Ce lit était un véritable trône devant lequel les hommes se prosternaient. A la fin du XIXe siècle on disait que ce lit était plus visité que la Tour Eiffel.

Par ailleurs, Valtesse est aussi une femme intelligente et spirituelle qui a de la conversation. Elle attire aussi les artistes tels que Manet, Courbet ou Boudin. Elle inspire Théophile Gautier et Zola pour son roman Nana. Enfin, elle devient immensément célèbre et a même des élèves qu’elle forme à la galanterie. La plus célèbre d’entre elle sera Liane de Pougy qui était aussi sa maîtresse. A la différence des autres horizontales de son époque, elle n’a jamais voulu se marier, assumant sa position de femme célibataire, chose rare à l’époque. Elle roule dans un carrosse qu’elle s’est payé et se fait appeler comtesse. Elle donne l’image de la femme libre, décorsetée.

Au n° 98 du boulevard Malesherbes, à l’angle de la rue de la Terrasse, son hôtel particulier est édifié en 1876.

L’édifice servit de modèle à Émile Zola pour celui de son roman Nana, paru en 1879, et pour lequel Valtesse de La Bigne servit également d’inspiration.

Cette dernière quitte la demeure en 1902, et vend son hôtel et les oeuvres d’art qui le décoraient.

Elle se retire dans une villa à Ville d’Avray mais n’en profitera qu’à peine 10 ans. Elle rédige l’organisation de ses obsèques et son enterrement dans un cercueil de bois précieux. Sa tombe magnifique est au cimetière de la ville. Edouard Detaille ivre de chagrin l’accompagnera jusqu’à sa mort imminente, et elle poussera son dernier soupir à l’âge de 52 ans.

Valtesse de la Bigne une courtisane ambitieuse.

Véronique Proust