Christine de Suède reine énigmatique. Intelligente et cultivée, cette femme régna sur la Suède durant dix-huit ans. Puis elle abdiqua sans laisser ni mari ni enfants. Pour comprendre Christine de Suède, il faut d’abord évoquer son père. Gustave Adolphe était une sorte de « géant du nord », fort et violent mais aussi généreux et doux, philosophe et ami des arts. Il mourut à 38 ans laissant la Suède ruinée. Quand il accéda au pouvoir, son pays avait trois ennemis, le Danemark, la Russie et la Pologne. Il les vainquit tous les trois et conclut quelques paix boiteuses. Richelieu profita de ces circonstance pour faire alliance avec lui sous prétexte de la montée du catholicisme à ses frontières. Ainsi Gustave s’engagea dans la guerre de Trente Ans aux côtés de la France.
Gustave est un génie militaire, mais il est aussi prudent. Il s’engage dans la guerre après avoir par testament, désigné sa fille Christine comme successeur. Puis il envahit les provinces de l’empire allemand et arrive devant Lutzen. Il engage la bataille contre les troupes de l’Empire, gagne la bataille et meurt de deux coups de balles. La guerre continua après lui et se termina par le traité de Westphalie en 1648 que signa la jeune Christine.
Christine avait peu connu son père mais elle se souvenait de lui. Quand elle naquit, les oracles avaient promis un garçon et ce fut une fille. Gustave l’adora de suite et décida qu’elle lui succéderait. En revanche son épouse, Marie Éléonore de Brandebourg, furieuse, mena la vie dure à cette enfant qui ne sut être un garçon. Gustave s’en doutait si bien que dans son testament, il lui ôta non seulement la régence mais aussi l’éducation de sa fille.
Le chancelier Oxenstiern veilla l’exécution testamentaire et retira l’enfant à sa mère. On lui apprit les langues, les mathématiques, l’astronomie, l’histoire et la théologie. Elle absorbait tout ce qu’on lui disait avec une facilité déconcertante pourvu qu’on l’éloigne du métier de femme. Disons-le, elle était douée pour le métier d’homme mais ne le sera jamais. Elle ne sera pas non plus une femme. A seize ans, elle préside le conseil, à dix-huit, elle est reine effective.
Quand elle arrive au pouvoir, la classe moyenne n’existe pas. La société suédoise est constituée d’une noblesse pleine de privilèges et de paysans écrasés d’impôts. De plus, la guerre n’est pas terminée. Pour autant, elle s’attache à développer les universités, à correspondre avec les philosophes. De là l’influence de Descartes sur la reine. Ce dernier vint la voir plusieurs fois dans sa bibliothèque, prit froid et mourut d’une pneumonie.
Christine avait aussi une santé fragile. Elle souffrait de troubles nerveux, avait des accès de fièvre, des syncopes. Elle s’enticha d’un médecin auto-proclamé, Bourdelot, qui pratiqua nombre de saignées et finit par la guérir. En effet il avait découvert que son mal était l’acharnement au travail et lui conseilla de lever le pied. Ce qu’elle fit, en multipliant les fêtes galantes avec des savants à qui elle demandait de jouer des rôles ou de chanter des airs grecs. Etait-elle belle ? Non. Mais elle n’était pas laide non plus. Elle exerçait un attrait non pareil. Elle refusa toujours de se marier mais on ne sut jamais si elle eut des amants. On a parlé entre autres du comte Magnus Gabriel de la Gardie mais sans certitude. A vrai dire, il est encore difficile de savoir qui était Christine de Suède.
Une chose est sûre est que son refus de mariage pose la question de l’avenir de la dynastie Vasa. A ving-huit elle décide alors d’abdiquer et propos en 1654 la couronne à son cousin Charles-Gustave. Les États Généraux se réunirent à Upsal et on la supplia de renoncer, le premier étant le représentant des paysans. Elle ne se laissa pas émouvoir et abdiqua en exigeant le coquet revenu de cent cinquante mille thalers. Elle abdiqua le 16 juin 1654 et le couronnement de son successeur se fit dans la foulée.
Puis elle décida de quitter la Suède déguisée en homme. Mais elle pérégrina durant trente ans en menant une existence inquiète. Elle avait fait venir avant elle vaisselle d’argent bijoux et meubles, qui disparurent au Mont de Piété. Son passage donnait l’impression d’une troupe de saltimbanque se donnant en spectacle. A commencer par son abjuration, et devint catholique. Puis elle se rendit à Rome , fut accueillie les bras ouverts par le pape Alexandre VII avec qui elle eut une relation privilégiée. Mais ses frasques et son manque de tenue déçut le Saint Père qui la persuada que la France l’attendait.
Paris la reçoit en grande pompe mais elle consterne la Cour.
Elle est toujours fort poudrée avec force pommade et ne met quasi jamais de gants. Elle est chaussée comme un homme dont elle a la voix et quasi toutes les actions. Et elle affecte fort de faire l’amazone…Elle est fort civile et fort caressante, parle huit langues et principalement le français comme si elle était née à Paris.
Elle a un œil avisé sur la Cour en France et n’hésite pas à dire que Mazarin est plus fort que Richelieu. De plus, elle juge Louis XIV trop jeune et fait pour l’amour. Elle ira jusqu’à le pousser à épouser Marie Mancini. S’en est trop, la reine-mère lui demande de prendre le large.
Enfin, trahie par l’aventurier Monaldesco, elle le fit assassiner par Santinelli qui ne valait pas mieux. La scène tragique dura deux heures et scandalisa toute l’Europe et ce crime devait la poursuivre jusqu’à la fin de sa vie. Elle se rendit à Rome puis à Stokholm où on l’a reçut mal et résida à Hambourg. A la nomination du nouveau pape Clément IX, elle célébra cette nomination par une fête pontificale sans pareil au milieu d’une ville protestante. La population indignée voulut forcer le palais et la reine demanda à ses gardes de tirer.
Après quoi, on la chassa de la ville et retourna à Rome. Mais elle continua ses frasques tout en étant criblée de dettes, mais elle protégea les arts de façon pérenne. Elle créa un théâtre, autorisa les femmes à jouer sur scène ce qui fit scandale. Elle décède dans son palais le 19 avril 1689 et ses funérailles monumentales à Saint Pierre furent dignes d’un pape.
Christine de Suède reine énigmatique