La maison de la radio Flagey chef-d’oeuvre de l’Art Déco bruxellois. Joseph Diongre s’associe avec un ingénieur du son pour créer un bâtiment à l’acoustique exceptionnelle. Le projet de 1932 sera réalisé en 1938, place sainte Croix.

UN TOUR DE FORCE ARCHITECTURAL

Tout commence avec la présence de la rivière la Senne qui arrose Bruxelles. Pour protéger la ville de ses crues, 48 étangs furent crées pour les régulariser. A la fin du XIXe siècle, par peur de la propagation du choléra, mais aussi pour agrandir la ville, on décida de combler ces étangs. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 5, situés à proximité du terrain sur lequel sera construit notre bâtiment. Le premier est situé sur la place sainte Croix. Occupée jadis par des guinguettes et des brasseries, la place fut très vite menacée par une inondation. On combla donc en partie l’étang. Non loin d’ici, un second étang, celui de Lacambre existe toujours auprès de l’abbaye du même nom. En effet, depuis le XIIe siècle, des moniales vivaient ici en paix jusqu’à ce que la Révolution les disperse. Les 3 autres étangs sont situés non loin de la place.

Ainsi, peut-on comprendre la nature spongieuse du terrain sur lequel le bâtiment Flagey va être construit. Pour palier cet inconvénient, Joseph Diongre le fait reposer sur 156 pieux de 10 m de long et 60 cm de large. Chacun des pieux soutenant 95 tonnes de bâtiment. Puis Il dote le sous sous-sol d’un système de pompage. Ainsi, le bâtiment repose sur une dalle de béton et des feuilles de cuivre.

La maison de la radio Flagey devait abriter les studios d’enregistrement de la radio belge et des radios francophones. Joseph Diongre a l’idée de construire deux tours acoustiques dans lesquelles il installe 12 studios. Autour, il bâtit une seconde enveloppe abritant le hall du public, l’escalier et les ascenseurs. A l’angle, la tour sert à protéger le mât d’émission d’images sonorisées s’intègre harmonieusement à la façade. L’acoustique parfaite protège les studios jusqu’à 35 décibels.

Cependant, Diongre utilise de l’amiante et les occupants doivent quitter les lieux en 1994. On parle de détruire le bâtiment. En 1998, des investisseurs et la SA Maison de la Radio Flagey le rachètent et chargent l’architecte Samyn de le rénover. Si bien que le l’établissement rebaptisé Maison de la radio Flagey rouvre ses portes en 2002. C’est un centre culturel et musical qui accueille aujourd’hui des concerts de musique classique et de jazz.

JOSEPH DIONGRE DU BÉTON ET DE L’ART TOTAL

Joseph Diongre est né en 1878. Il suit des études d’architectes aux Beaux-Arts de Bruxelles. Puis il se fait connaître par la construction de la maison communale de Woluwe Saint-Lambert à Bruxelles. En 1922, il réalise à Molenbeek une cité qui porte son nom. Il y construit aussi l’église Saint-Jean-Baptiste. Là, il dote la nef d’une voûte dont les arcs très élancés sont inspirés de l’arcature du hangar d’Orly construit en 1923 par Freyssinet. Joseph Diongre part ensuite aux Pays-Bas, construit une banque dans un style très moderniste. Adepte de l’Art Total, il ne fréquente pas pour autant le Bauhaus mais mais s’intéresse à la Corbusier. Ce dernier préconise à cette époque, de s’inspirer en architecture des lignes de la Compagnie Transatlantique. Cela donnera le « style Paquebot ».

En 1925, Diongre est à l’exposition des Arts Décoratifs de Paris. Il y découvre la maquette du Pavillon de l’Esprit Nouveau du Corbusier. La silhouette d’un bâtiment au toit plat muni de pilotis l’interpelle. Il la reprendra pour la maison de la radio. Si la municipalité refuse les pilotis, il donne cependant à son œuvre, une allure de paquebot.

UN INTERIEUR ELEGANT

D’emblée, les lignes géométriques et fluides frappent le visiteur lorsqu’il entre dans le hall. Les murs couverts de bois de limba du Congo donnent un caractère chaleureux à l’ensemble. Pour l’éclairage, il fait courir au plafond des tubes Philinea de néons qui conforte les lignes sinueuses du rez-de-chaussées. Ces derniers soutiennent également les lignes de la cage d’escalier qui rappelle les rambardes des paquebots. La moquette était vert Nil. Philippe Samyn voulait la remplacer dans la même tonalité. Mais il dut y renoncer tant elle est salissante.

Au rez-de-chaussée se trouvent plusieurs studios de forme trapézoïdale. Leurs murs sont recouverts d’érable muni de fines baguettes d’acajou. Au premier étage se trouve les salles de concert. L’une d’entre elle, pouvant accueillir 100 personne spour le public, 150 musiciens et 40 solistes possède une acoustique exceptionnelle. En effet, les murs sont dotés de tambours verticaux plaqués au mur et dotés d’un moteur. A l’intérieur, la laine d’amiante a été remplacée par de la laine d’aluminium. Les techniciens pouvait régler en 35 secondes l’acoustique en faisant pivoter les tambours. C’est la seule salle qui a conservé ses sièges de couleur Vert Nil.

La grande salle pouvant accueillir 500 personnes était en 1935 la plus grande salle au monde. Pour agrandir la capacité de la salle, Philippe Samyns a ajouté des balcons qui ne touchent pas la parois mais qui sont fixés aux murs par des poutres. La scène de 200 m2 est conçue pour des orchestre symphoniques avec chœur. Elle peut aussi accueillir 4 pianos que l’on hisse sur scène par des trappes. L’orgue de Delmotte comporte 4 claviers sur 4 registres et 8000 tuyaux.

Au dernier étage, le bureau du directeur se trouve dans la tour d’angle et domine toute la place. Le bureau d’origine est encore en place. Les fauteuils sobres, se rapprochent de ceux qui avaient été dessinés par Diongre. Enfin, au plafond, on retrouve cette ligne de néons qui souligne le plafond.

Notre prochain voyage en Crète ……