Madame Aubernon, femme de lettre et mécène au temps de Marcel Proust. Cette jeune veuve consacra sa fortune à aider les artistes, écrivains et peintres, elle les révéla au cours de ses Salons…

Madame Aubernon tint durant des années un salon littéraire sur la Plaine Monceau. Et elle fut en cela un des modèles du salon de la duchesse de Guermantes de Marcel Proust.

Euphrasie-Heloïse-Lydie est fille d’un trésorier général proche des financiers de Napoléon III. Son mariage avec le conseiller d’État Georges Aubernon la propulse au centre de la société politique de la Monarchie de Juillet.

De ce mariage lui naît un fils Raoul, en 1845 et en 1848, puis elle divorce de son mari. Elle partage alors son hôtel avec Madame de Neville, sa mère. Et chacune tient salon qui se prolonge l’été à Louveciennes. Dès lors, Madame Aubernon invite chez elle les acteurs du Tout-Paris qui jouent chez elle, au square Messine. On y voit par exemple, Réjane et Sarah Bernhardt . Puis, elle déménage rue d’Astorg, non loin de l’hôtel de la comtesse de Greffulhe.

Madame Aubernon a très vite la réputation d’être dirigiste dans ses dîners qui n’étaient pas très exquis finalement. De plus, ils ne dépassaient pas plus de 12 couverts. Les conversations sont sélectionnées selon un thème que la maîtresse de maison choisit. Et lorsque le convive a dit ce qu’il pense, elle agite une clochette pour mettre fin au propos pour faire parler un autre convive.

Lydie reçoit tous les jours de « 5 à 7 » et donne des «dîners intimes » un vendredi sur deux, qu’elle alterne avec des « dîners sérieux » tous les samedis. D’aucuns se plaignent de l’absence de femmes. Ce en quoi Madame Aubernon réplique : «Je donne à causer, je ne donne pas à aimer.». Dans tous les cas, les femmes sont très rares dans ses salons.

Lydie donne aussi des « dîners de pardonnés » à ceux qui reviennent après avoir boudé son salon pendant quelques temps.

Alors, viennent dîner chez elle Ernest Renand, Marcel P roust, Alexandre Dumas, Etienne Lamy, Jacques–Emile Blanche, Clémenceau, Deschanel ou Eugène Labiche, Maupassant. Tous sont écrivains, artistes et peintres. Mais la réflexion de d’Annunzio, fidèle de ses salons, nous donne une indication sur ce que les artistes pensent d’elle. «Monsieur d Annunzio, dit Lydie, que pensez-vous de l’amour?», il répondit fort impertinemment : «Madame, lisez mes livres et permettez-moi de déjeuner.»

Cela n’empêche pas madame Aubernon qu’on appelait « la précieuse radicale » de recevoir pour un concert Claude Debussy et d’autres artistes. Elle accueille aussi des hommes de théâtre pour jouer des pièces de Molière, Victorien Sardou. Mais on y rencontre aussi le fameux Samuel Pozzi qui fit succomber la salonnière qui l’appelait son « Amour médecin ». et de nombreux autres talents.

Madame Aubernon, femme de lettre et mécène

Véronique Proust