Cléo de Mérode la fausse courtisane. Longtemps considérée comme une demi-mondaine, Cléo de Mérode fut avant-tout une danseuse étoile d’une immense beauté.

Cléopâtre-Diane de Mérode naît en 1875. Elle est la fille de Vincentia de Mérode. Cette dernière appartient à la branche autrichienne de Mérode, qu’un séducteur viennois a séduit et abandonné. Vincentia vient à Paris pour mettre au monde une adorable petite fille qui deviendra Cléo. Soulagée d’avoir écarté ce scandale familiale, la famille de Mérode finance à hauteur la mère et la fille qui vivent dans un bel appartement de la rue des Ecoles.

La beauté de Cléo fascine sa mère, au point qu’elle demande à Nadar de la photographier alors qu’elle a à peine 3 ans. Quatre ans plus tard, Cléo fait ses études chez les sœurs de saint Vincent-de-Paul. Par ailleurs, elle est admise comme petit rat à l’opéra de Paris. A 11 ans elle est nommée deuxième quadrille, puis « coryphée ». C’est ainsi qu’elle apparaît sur scène et qu’on la remarque très vite. Mais Vincentia veille au point d’en être très possessive.

En effet, elle surveille sa fille et sa carrière, quitte à vendre ses terres autrichiennes. Par ailleurs, elle lui donne une éducation bourgeoise, ce qui la différenciera, outre son aristocratie des autres rats de l’opéra. Elle fera tout pour que sa fille soit une grande danseuse étoile, surveillant les concours et les contrats. Enfin, elle l’initiera par son piano à la musique, qui prendra du reste beaucoup d’importance dans la vie de Cléo.

En effet, l’opéra a très mauvaise réputation et l’on dit que le foyer est le lieu où les hommes viennent faire leur marché. On dit même que c’est une des portes d’accès au demi-monde. Les lundis, mercredis et vendredis, le foyer est encombré d’hommes d’affaire. Or Cléo a fait tellement d’heures d’assouplissement et de travail à la barre, qu’à 12 ans, c’est déjà presque une très belle femme. Avec son port altier, ses attaches souples et son beau visage ovale, elle attire le regard. De plus, elle a un charme particulier avec son visage d’ange et son regard rêveur.

Ainsi reçoit-elle des bijoux et autres petits cadeaux de ces hommes qui aimeraient « avoir une danseuse ». On évoque alors du roi des Belges…..

Cléo attire tous les regards mais aussi toutes les jalousies et les mauvaises rumeurs. Pour exemple, lorsqu’elle cache ses oreilles par de longs cheveux retenus par des bandeaux, on prétend qu’elle n’a pas d’oreilles. Et quand on parle de ses talents d’actrices ou de danseuse, on ne la réduit qu’à la dimension de sa taille. On ira même jusqu’à dire que sans sa beauté elle ne serait rien. En réalité, Cléo luttera toute sa vie contre la calomnie.

On la soupçonnera d’être la maîtresse de Léopold II ou de poser nue pour Falguière qui réalisa la Danseuse exposée au Salon de 1896. La même année, les lecteurs de L’illustration l’élisent « reine de beauté ». On la comptera alors parmi les courtisanes et Simone de Beauvoir la traitera même de « cocotte » dans le Deuxième Sexe. L’auteure paraît ce livre en 1949 et pensait que Cléo était morte. Or cette dernière qui décédera en 1966 lui intente un procès qui obligera Beauvoir à retirer le terme de son ouvrage.

Toute sa vie, Cléo a multiplié les photos, les portraits et une image d’elle d’icône artistique. Ces mêmes photos étaient copiées par d’autres femmes pour ressembler à la « danseuse au bandeau plat ». Le fait est qu’outre Falguière, elle inspira Boldini, Degas et même Toulouse Lautrec. Le sculpteur et diplomate espagnol Luis de Perinat, sera son amant de 1906 à 1919. A l’Exposition Universelle de 1900, elle se produit dans une danse cambodgienne fort remarquée. L’année suivante elle exécute une pantomime en trois actes, Lorenza, aux Folies-Bergères . Enfin, elle se produit ponctuellement auprès du danseur Georges Skibine.

Elle se retire de la vie publique en 1934 et décède en 1966 à l’âge de 91 ans.

Véronique Proust