Émilienne d’Alençon une des trois grâces de Paris. Elle partage ce surnom avec Liane de Pougy et la Belle Otero . En effet ces courtisanes furent les plus en vue de Paris à la Belle Epoque et animèrent considérablement les soirées parisiennes.

Émilienne d’Alençon naît à Paris en 1869 dans un immeuble modeste de la rue des martyrs. Sa mère, la mère André est concierge et déjà donné la vie à deux garçons. Le père a « pris le large » et Émilienne écrit dans son journal : Il réapparaissait de temps à autres…Le bec enfariné et la bouche en cœur. La loge est petite, Émilienne dort avec sa mère dans un mauvais lit et ses frères dorment sur une paillasse.

Émilienne se réfugie alors chez sa tante qui tient une blanchisserie. Là, la fillette s’extasie devant les jupons et les dentelles et vit dans un univers de fanfreluches. A 15 ans, Émilienne est une beauté originale qui a du chien dirait-on. Elle est repérée par un journaliste du Gil Blas qui a déjà lancé Louise Weber, La Goulue : Charles Desteuque. Ce dernier reçoit les demi-mondaines dans son appartement.

Un jour Émilienne se présente sur l’invitation de Desteuque vêtue d’une robe ornée de dentelles d’Alençon. Sa beauté et sa robe firent sensation, on lui donna son surnom de guerre Émilienne d’Alençon. Elle entre au conservatoire mais les classiques l’ennuient d’autant qu’elle a très peu fréquenté l’école. Elle prend alors des cours d’orthographe et de grammaire et Abel Tarride l’engage dans sa troupe. Ce dernier organise une tournée où Émilienne joue le rôle de soubrette. De retour à Paris Charles Desteuque lui met le pied à l’étrier. Là voilà dans un numéro de dompteuse de lapin au cirque d’été, parée d’un juste-au-corps couleur peau.

C’est là que le duc d’Uzès la remarque : il deviendront amant et continue son éducation dans l’espoir qu’elle devienne son épouse. Mais la famille s’offusque de cette liaison et craint pour le capital familial. Aussi, le duc est envoyé au Congo où il mourra de dysenterie en 1893. A la comédie, elle se lie avec Émile Célestin Duard qui lui donnera une fille, Marthe, dont elle ne s’occupera jamais. Émilienne est une croqueuse d’hommes, et on lui connaît de nombreux amants. Parmi eux on peut compter le prince de Galles, le kaiser Guillaume II, le roi Léopold II ou Jacques Henessy, le roi du cognac.

Mais Émilienne aime aussi les femmes. On lui connaît une relation avec la Goulue, mais aussi Renée Vivien qui lui écrit de très beaux poèmes. En effet, Émilienne adorait la poésie et était férue de littérature. Elle sera aussi la maîtresse de Valtesse de la Bigne puis de Liane de Pougy à qui elle écrira des poèmes : « Sous les masques ». Le Gil Blas annonce même leur mariage et l’arrivée prochaine d’un enfant. Elle jouera aussi plusieurs pièces avec une autre de ses maîtresses, Julia Seale, actrice et mime anglaise.

Par ailleurs, Émilienne d’Alençon devient une égérie de la mode. En effet, elle est l’une des premières à porter des chapeaux de Coco Chanel . Elle écrit aussi un recueil de recettes de beauté. Puis elle se passionne pour les chevaux et achète en 1906 une écurie de courses après avoir épousé le jockey Percy Woodland. Cependant elle se ruine, se sépare de Percy et tente sa chance sur la Riviera. Là elle continue à dépenser des fortunes pour ses maîtresses et aussi pour l’opium.

En 1931, elle vend à Drouot ses meubles et ses tableaux que l’on s’arrache car elle avait un goût très sûr. Puis elle meurt en 1945 à Monaco quasiment dans l’oubli et fort endettée.

Émilienne d’Alençon une des trois grâces de Paris.

Véronique Proust