Géricault précurseur du romantisme. Ce peintre qui passe pour être « l’homme d’un seul tableau » le Radeau de la méduse » est le père du romantisme. Sa passion pour les chevaux lui vaudra de magnifiques portraits de soldats napoléoniens. Mais son regard sur son époque en pleine mutation, et sur l’homme et sa folie le rend visionnaire.

Géricault précurseur du romantisme

Peintre peu connu et mal montré, artiste maudit Géricault, mort à 33 ans, passe pour être l’homme d’un seul tableau, le radeau de la Méduse. Pour comprendre sa marginalité il convient de rappeler le goût pictural de l’époque. En effet, l’art est alors dominé par l’art de David qui prône le néo-classicisme , la peinture d’histoire liée à l’épopée napoléonienne et la mythologie. Géricault, lui, découvrira à l’âge de 16 ans, l’année de la mort de sa mère, deux passions, la peinture et les chevaux.

Les soldats deNapoléon

Il entre dans l’atelier de Guérin dont l’enseignement essentiellement classique ne lui convient pas. Puis il fréquente l’atelier de Vernet qui lui insufflera la passion du cheval. Il copie les maîtres du Louvre mais son tempérament fougueux se dessine. Il est exclu du musée pour comportement scandaleux. Profitant de sa passion pour les chevaux, il crée deus portraits de soldats napoléoniens qui font sensation. Le premier est un officier chasseur à cheval (1812). Le second est le Cuirassier blessé quittant le feu (1814).

Sensation ou scandale ? Les dimensions des tableaux (3,50 m sur 2,60) sont celles dévolues généralement à la peinture d’histoire. Géricault le transforme en portrait équestre d’un homme ( Alexandre Dieudonné) en costume de la garde impériale. Ce dernier se retourne et tente de maîtriser son cheval. Mais sa posture en torsion et son expression hissent le personnage au rang de soldat inconnu. La touche rapide met en fusion le costume et le visage buriné du soldat qui se tait.

Géricault reçoit une médaille d’or pour cette toile mais cela ne lui suffit pas. Il réitère son propos en 1814 avec Cuirassier blessé quittant le feu. Les dimensions de la toile sont quasiment identiques à l‘Officier chasseur. Dans une même diagonale, un cuirassier se retourne en direction du front et tente de sa jambe droite, de freiner l’emballement de son cheval. Il tente désespérément de retenir cette chute vers une pente qui descend inexorablement vers un avenir fort incertain. En effet, le ciel orageux du fond laisse présager la chute de l’Empire.

La toile est très mal reçu et Géricault se sent seul. Le public qui assiste effectivement à la chute de l’Empire n’est sans doute pas prêt à accepter cette poésie du malheur. Et les deux toiles n’ont jamais été achetées. Géricault a même songé à les détruire mais au final, elles restèrent dans atelier jusqu’à sa mort.

L’intermède italien

En 1816, il décide de partir pour l’Italie au grand dam de son père. Il arrive à Florence puis Rome et découvre la chapelle Sixtine et les œuvres anatomiques de Michel Ange.  Il y peint surtout des scènes de genre qui dévoilent sa fascination pour le morbide. En effet il peint des familles pauvres, des scènes violentes de brigands . Il peint également des têtes de morts, fréquente les abattoirs et s’intéresse à la cruauté de l’abattage des bœufs. Mais ses doutes sont immenses : J’étais arrivé au point d’accuser tout le monde d’indifférence et d’inhumanité et j’aurais voulu pouvoir ne me souvenir de personne. Il est dans un état d’abattement tel qu’il en est à s’aliéner son meilleur ami Dorcy.

A son retour en 1816, il s’engage chez les mousquetaires gris du Roi, non pas qu’il soit royaliste. Mais sa passion frénétique pour les chevaux qui a toujours sidéré Delacroix est sans doute à l’origine de son choix. Mais après son absence sur la scène parisienne, Géricault doit reconquérir son public. Il songe alors à réaliser une toile immense dont le sujet s’inspirerait d’un scandale politique en accord avec ses opinions anticolonialistes. Il prend pour sujet Le scandale de la méduse.

Le radeau de la Méduse

Un proche de Louis XVIII commande une frégate pour se rendre au Sénégal (colonie française depuis 1783) et y rétablir l’ordre. Mais le bateau trop chargé échoue en mer et les soldats construisent un radeau où s’entassent 147 hommes. Le radeau dérive en mer pendant 10 jours. Les hommes du radeau s’entre-tuent et se dévorent. Quel sujet plus morbide à peindre pour l’artiste désespéré qu’est Géricault. Ce sujet soulève les passions les plus diverses. Mais il est aussi un moyen de déstabiliser le gouvernement de Louis XVIII.

Géricault précurseur du romantisme

Géricault se lance à corps perdu dans son oeuvre. Il fréquente l’hôpital Beaujon et la morgue et multiplie les esquisses. Il fréquente les hôpitaux et les charniers et se complaît presque à peindre la déliquescence et la putréfaction. Épris d’exactitude, il épluche le procès verbal. Puis il éalbore une toile immense et décide de traiter du moment de la délivrance des soldats. Pour ce faire, il organise une grande diagonale dont la pointe supérieure laisse entrevoir la voile d’un bateau à l’horizon, signe de libération.

Dans cette composition, il ne choisit pas de montrer les soldats prostrés dans l’attente de la mort, mais plutôt le grand élan d’espoir que suscite cette vision de la voile. Ce qui n’empêche pas Géricault de peindre l’innommable à travers ce radeau qui réunit mourants et cadavres. Il se souvient certainement de la chapelle Sixtine. Mais il y a une sorte d’ivresse à peindre ces cadavres jetés à l’eau. Un goût pour la précision scientifique de la plastique humaine que n’ont jamais eu les élèves de David. En évoquant ce scandale de cette manière, il transgresse les interdits et introduit pour la première fois dans la peinture le scandale politique. Il sera suivi par Delacroix avec le massacre de Scio et Picasso avec Guernica.

Mais le tableau qu’il pensait être le chef-d’oeuvre de sa vie ne rencontre qu’un accueil mitigé au Salon de 1817. Ce dernier était surtout envahi par des sujets historiques où Jeanne d’Arc côtoyait Vercingétorix. On accepta sa toile que sous le titre de Scène de naufrage. Pire, les critiques attaquèrent plutôt l’opposant politique que le peintre. Géricault n’avait même pas eu droit au même scandale qu’Ingres pour son odalisque. La Gazette évoqua l effet très heurté de l’oeuvre ainsi que son coloris mort.

De plus, on peut imaginer que la toile ne fut pas achetée par l’Etat.

Géricault précurseur du romantisme

Géricault sombre alors dans l’abattement le plus total et se met à peindre presque exclusivement des morts ou des fous. Sa série des Monomanie scrute la maladie, la folie ou la névrose. Tous ses portraits représentent des personnes égarées. La seule chose qui l’intéresse se sont ses chevaux, il part au galop à corps perdu. Mais mais à la suite d’un accident il se crée un abcès au dos qui l’empêche progressivement de se déplacer et de peindre. Dumas qui va le voir est effrayé de son aspect physique et note qu’il est si maigre qu’on voit à travers sa peau les muscles de sa main. Le 27 Janvier 1824, il meurt à 33 ans en étant le vrai précurseur du romantisme.