La galerie Courtauld de Londres. Ce musée  est une plongée dans l’univers magnifique d’un collectionneur anglais du XIX siècle mais aussi d’un grand pédagogue.

Car non seulement Samuel Courtauld était collectionneur, mais il était aussi un homme de concscience. En effet, il avait à coeur de former des générations d’historiens d’art qui seraient un jour en mesure d’analyser les oeuvres majeures de lsa collection. C’est le cas d’Antony Blunt, historien d’art et conservateur de ce musée qui fut le premier à énoncer des remarques pertinentes sur les oeuvres conservées.

Tout commence avec la découverte des chef-d’oeuvres de l’art primitif italien de la salle du rez-de-chaussée. A commencer par le Couronnement de la Vierge de Lorenzo Monaco. Ce tableau nous révèle un artiste ouvert à l’esthétique de Giotto (yeux en amande des personnages, émotion contenue des figurants). L’artiste a doré le panneau de bois avant d’y aposer ses personnages en couleur selon la tradition du gothique international. Il devait prendre tout son éclat quand on sait que les fidèles l’admiraient à la lueur des bougies.

Au milieu de la salle principale,  trône le triptyque Seilern atribué à Robert Campin. Ce dernier représente une magnifique déposition de croix. A gauche figure le donateur en prière. L’artiste a concentré la composition sur la figure du Christ. La composition rassemble aussi  tous les protagonistes traditionnels de cette scène biblique. Ainsi assistent à la scène la Vierge, les Maries, Marie-Madeleine et saint Jean Baptiste tenant le premier rôle. Les visages très expressifs montrent une douleur très soutenue. L’artiste a cassé les plis des robes sans doute parceque ses modèles étaient els statues de bois des retables.

On quitte la salle en remarquant au passage un sac en argent  des années 1300 d’origine Sassanide. Sur sa face principale, l’artiste a gravé en or sur fond argent des scènes de cour identiques à une autre sacoche également dans la même collection. Cette dernière représente à merveille l’art de la cour de Kharid II (1256-1353), descendant de Gengis Khan.

L’escalier de la galerie Courtauld mérite l’attention avec ses élégantes circonvolutions et ses décors dans le style Adam.

Les salles du premier étage abritent les toiles de la Renaissance tout d’abord. Des cassones, magnifiques coffres Renaissance comportant de décors en rapport avec leur attribution. En effet l’on trouve les vertus que le futur époux recommande à la jeune épousée. Aussi voit-on sur els côtés des figures de Prudence, Honnêteté et Humilité. Le miroir que l’une d’entre elle tient rappelle qu’il est là pour refléter son cœur. La Trinité de Boticcelli est une curieuse composition où Dieu le Père étend ses bras pour soutenir le corps de son fils. Au-dessus, trône le saint Esprit sous forme de colombe.

Au pied de cette Trinité, la Madeleine dont les cheveux très longs font office de robe. Elle nous rappelle qu’on a commandé cette toile  pour un couvent  d’anciennes prostituées repenties. Madeleine devient alors la patronne des femmes pénitente. A droite, on reconnaît saint Jean-Baptiste,  à sa tenue de berger.

Une curieuse petite scène en bas à gauche, Tobie et l’ange se rencontre dans un petit paysage iréel, dont le canon est étanager aux dimensions générales du tableau.

Dans la salle suivante ce sont Adam et Eve de Cranach qui nous accueillent. Au centre l’arbre de la Connaissance magnifiquement possède de nombreuses pommes d’un rouge magnifique. Eve en tend une à Adam qui, perplexe, se gratte la tête comme un homme qui s’interroge sur la définition du péché. En effet,  Lucas Cranach fréquentait de nombreux pasteurs et de intellectuels de la Réforme en Allemagne. Et il réalisa sans doute ce panneau pour l’un d’entre eux. Puis, autour du couple du Péché, une ménagerie extraordinaire d’animaux semblent ignorer le danger imminent. La preuve, le lion et l’agneau, éternels ennemis, se côtoient ici avec harmonie.

Le portrait de la famille Brueghel par Rubens est un chef d’oeuvre du genre. Rubens avait des amis peintres certes, mais le personnage centrale de la composition ici n’est pas Brughel mais son épouse. Elle nous regarde avec bienveillance. Mais pointe de questionnement se dicerne dans un ovale de visage parfait que met en valeur une magnifique corolle blanche. Par ailleurs, les bijoux, le modelé de la robe, tout concourre à nous émouvoir. Le jeu des mains et le regard admiratif de la petite fille vers sa mère aussi.

Le portrait de madame Gainsborough nous rappelle que le portraitiste est un véritable génie. On a souvent dit qu’on avait arrangé son mariage à cause des relations de son épouse avec la haute société anglaise. Mais il s’avère que cette union était aussi un mariage d’amour. En effet, Gainsborough adorait son épouse. Et il portraitura  la haute société anglaise qui fréquentait Bath. Cette station balnéaire possède de magnifique  maisons victoriennes qui lui donnent un charme particulier.

Par ailleurs, ce même charme se retrouve sur le visage de cette femme qui se voile ou se dévoile sans que l’on sache dans quel sens elle réalise son geste. Et cette attitude comme « suspendue » dans le temps constitue tout le charme de ce beau visage.

Courtauld avait une prédilection pour la peinture impressionniste. Il l’a prouvé par son achat de la La loge de Renoir. Nini Lopez (de son surnom gueule de raie) pose ici dans une loge. Son magnifique décolleté et sa robe fluide inondent littéralement la toile. Ils mettent en valeur la fragilité du regard. Derrière elle, l’homme qui l’accompagne ne s’interesse pas à elle mais regarde à la jumelle, d’un tout autre côté. En effet il se tourne vers le spectacle de la salle. Car s’il est connu qu’on va au théâtre ou à l’opéra pour se faire voir, il est aussi compris qu’on est aussi là pour regarder les autres.

Et cette attitude voyeuriste et presque malsaine ne fait que mettre en valeur la solitude de cette ravissante jeune femme qui ne mérite pas son surnom. On y reconnait la touche fluide de Renoir qui privilégie la matière au contour des formes.

La modernité est toujours présente aussi chez Monet et dans son tableau Lordship lane station la locomotive noire simpose à toute la nature environnante. Là encore, Monet exprime sa facination pour le train, mais aussi sur la manière dont la ville prend le pas sur la campagne. Il avait déjà traité de thème à plusieurs reprises comme dans le « Pont d’Argenteuil », mais ici il s’en prend au paysage anglais, au cours de son séjour des années 1870. Cette station de train, Lordship lane était celle qui amenait la gentry anglaise à Cristal Palace, la magnifique serre construite sous la reine Victoria.

L’un des fleurons de la galerie est évidemment un bar aux Folies Bergères de Manet. Une jeune fille lasse et fatigée regarde le public d’un air désabusé. On a arrangé son décolleté pour qu’il attire le consommateur. Derrière, dans le reflet du miroir, Manet a brossé une magnifique nature morte dont les sujets principaux sont des bouteilles de champagne. L’artiste évoque à merveille  l’ambiance de cette grande salle avec son capharnaüm de petites lumières et de scintillement.

Cette solitude se confirme dans la toile de Gauguin Te Riroia (le Rêve) peint durant son second séjour à Tahiti. Deux femmes seules et pensives, regardent un enfant dormir. La pièce dans laquelle elles sont assises en tailleur est close et sur les murs, on devine les sculptures sur bois.  Gauguin les a réalisé dans sa propre maison, « la maison du jouir ». Les couleurs verdâtres donnent un éclat saturé sur le visage las de ses femmes qui ne communiquent pas. Et ce choix esthétique contribue à accentuer le malaise. Mais les larges aplats de couleurs et l’équilibre des formes placent cette toiles dans l’une des réalisations les plus abouties de sa période haïtienne.

De magnifiques toiles modernes

On admirera également Never more du même Gauguin. Ici c’est sa compagne que le peintre choisit de représenter. Elle est allongée et regarde dans le vide, alors que derrière elle, des femmes discutent et laissent présager une transaction malsaine. Le corbeau qui surveille son lit confirme cette mauvaise augure. Curieusement le beau portrait de cette jeune femme de 14 ans voisine avec la superbe tête de Mette, première femme de Gauguin, qui lui avait donné 5 enfants, et qui, délaissée par le peintre, était repartie au Danemark vivre avec sa famille et les enfants qu’elle éleva seule.

La qualité du marbre, la licité de la peau, la franchise du regard et les pureté des lignes du menton et des joues, et le caractère globalement classique de cette sculpture émerveillent et étonnent à la fois, quand on sait que Gauguin sculpta par la suite des reliefs primitifs qui n’auront rien à voir avec cette esthétique occidentale.

Le troisième étage offre une collection intéressante de peintres expressionnistes et moderniste. A commencer par le remarqualbe portrait de Dolly de Van Dongen, portrait de la fille qu’il eut avec sa compagne Guus Pretinger. La présence de cette enfant au milieu des paysages de Vlaminck est très forte. Van Dongen montre aussi ce qu’il faisait avant de répéter les portraits de femmes fatales des années 30: une peinture pure, sans concession, marquée d’un sens du dessin robuste et d’une force de couleur évidente.

La galerie Courtauld de Londres. Ouverture du lundi au vendredi de 10h à 18h.