L’académie de la Grande Chaumière une fabrique de talents à la Belle Époque. Cette institution sise au cœur de Montparnasse, a accueilli des professeurs célèbres et formé des artistes de talents. Académie privée, elle était ouverte à tous et à toutes, à une époque où les femmes artistes n’étaient pas admises à l’École des Beaux-Arts.

Cette académie de dessin fondée en 1904 doit succès au fait qu’elle accueillait les élèves du monde entier, hommes et femmes. En effet, ces dernières n’avaient pas encore l’accès aux Beaux-Arts. Aussi, nombreuses d’entre elles vinrent perfectionner leur art dans ce lieu. Ce sera le cas de Camille Claudel ou Jeanne Hebuterne mais aussi de nombreuses autres femmes venus des pays de l’est. Elles sortaient d’un milieux social aisé et avaient déjà de solides connaissances en art qu’elles venaient perfectionner à Paris dans cet atelier. La plupart parlaient français et l’atelier avait un aspect très cosmopolite.

Par ailleurs, on pouvait apprendre le dessin, le croquis et le nu d’après un modèle vivant, ce qui n’était pas très répandu à l’époque. On y apprenait essentiellement la technique du nu ou bien l’esquisse mais très peu de natures mortes. Enfin, l’atelier possédait le chauffage pour le confort du modèle, qui devenait aussi celui des élèves. Voilà pourquoi les sculpteurs qui utilisaient la glaise ou la terre devaient humidifier leurs esquisses en permanence. Même si l’atelier était payant, on pouvait y rester le temps qu’on voulait. Du reste, le montant de l’inscription n’était pas onéreux. Les élèves venaient le lundi, les premiers arrivés prenaient les meilleures places.

Les modèles, hommes ou femmes, changeaient chaque semaine. Les étudiants vérifiaient longuement la pose avant le début du cours. Le modèle pouvait être assis sur une chaise ou sur une estrade pivotante. Puis, les élèves se groupaient derrière le maître et écoutaient avec la plus grande attention ce qu’il disait.

De temps en temps, les modèles s’endormaient. Si bien qu’on pouvait entendre parfois des élèves leur demander de relever le bras ou le visage. Des familles italiennes se pressaient dès l’aurore boulevard Montparnasse pour devenir durant des semaines “des madones, des chérubins ou des héros mythologiques”.

La Grande Chaumière permettra d’accueillir des centaines d’élèves et sera au cœur d’une intense activité artistique dans le Montparnasse des années Folles. On y pratiquait toutes les formes artistiques et de nombreux professeurs y enseignèrent. Parmi eux, on peut citer Antoine Bourdelle, André Lhote, Fernand Léger ou Zadkine. Certains influencèrent particulièrement leurs élèves si l’on en juge les œuvres cubistes et abstraites de Marcelle Cahn ou Franciska Clausen. En effet, ces dernières étaient toutes deux élèves de Fernand Léger. Par ailleurs, les sculpteurs Manuel Felguerez ou Richard Stankiewicz sortis de l’atelier de Zadkine ont reçu l’influence de son art et eurent une carrière internationale.

Serge Revzani évoque l’odeur de térébenthine qui régnaient dans ces ateliers “aux verrières crasseuses”. Giacometti restera 5 ans dans cette académie jusqu’en 1925. Il est alors l’élève de Bourdelle, qui vient tous les jeudis pour faire des conférences de correction. A cette occasion, examine les travaux de ses élèves. Il n’y avait pas que des artistes, mais toute sorte d’individus, du soldat allemand au réfugié ou rescapé du maquis. On y trouvait aussi beaucoup d’étudiants étrangers venus d’Amérique qui ne se mêlaient pas vraiment aux artistes français.

Enfin,citons les grands professeurs de ce lieu mythique que sont Bourdelle, Zadkine, Tamara de Lempicka, Louise Bourgeois, Balthus, Serge Revzani et Serge Gainsbourg..

L’académie de la Grande Chaumière. Une fabrique de talents à la Belle Époque.

Véronique Proust