Maupassant un écrivain de génie sombré dans la folie

Né en 1850, Maupassant est surtout connu pour ses nouvelles. En effet, il en écrivit 300, ainsi que 6 romans. Sa mère, Laure le Poittevin, est une femme cultivée, mais atteinte d’une maladie névrotique (la maladie de Basedow qui provoque de fortes migraines et la poussera au suicide). Elle l’incite à lire et suit de près son éducation. Le jeune Guy va à l’école à Yvetot et termine ses études au lycée de Rouen. Cette pension ne lui convient pas et on le renvoie chez sa mère pour indiscipline. Puis la guerre de 1870 éclate et à son retour, Maupassant entre comme commis au Ministère de la Marine.

De son père, il a hérité du goût des femmes et de sa mère, la passion littéraire. En fréquentant les femmes de Paris de tous les milieux sociologiques il élabore une vision littéraire et sociale qui le rapproche des Réalistes. En effet, Flaubert le présente à Zola, qui l’invite aux soirées de Médan. Il y fréquente Huysmans, Daudet et  Les Frères Goncourt . Malheureusement en 1877, il contracte la syphilis, qui l’emportera vers la folie et la mort, 16 ans plus tard. Il fanfaronne d’abord mais a de plus en plus de mal à cacher son angoisse. Cette dernière va devenir un des thèmes majeurs de son oeuvre.

Maupassant entre dans la scène littéraire avec Boule-de-suif qui paraît en 1880. Il y raconte l’ingratitude d’un groupe de voyageurs normands venus à Paris vis-à-vis d’une jeune fille, Boule-de-Suif. Cette dernière partage volontiers ses provisions pendant le voyage, mais un Prussien arrêtent la diligence et oblige les passagers à faire étape dans une auberge. Que Boule-de-suif accepte de passer la nuit avec le Prussien sera la seule condition de libération des passagers. Ces derniers feignent d’abord l’indignation puis font pression sur la jeune fille qui s’exécute. De nouveau en route, les voyageurs chargés de provisions se garderont bien de partager leur repas avec la jeune fille.

Le roman est accueilli avec enthousiasme. Il annonce aussi l’univers maupassien qui analyse avec humanité la bassesse de l’homme et en particulier celle des bourgeois. Suivront des romans majeurs tels que Une vie en 1883, Bel Ami en 1885 et de nombreuses nouvelles à succès tels le Horla en 1888. On réimprimera Bel Ami 36 fois en 4 mois. Il y décrit un nouveau personnage, celui de l’arriviste, qui “monte” dans la société grâce aux femmes.

Ainsi, Maupassant s’émancipe de l’art de Flaubert d’une part, et crée un personnage plus cynique que le Rastignac de Balzac. Si le succès est immense, le public se méfie de ce nouveau genre littéraire. En efffet,certains auteurs qui montrent des personnages dans leur réalité sont jugés. Zola lui-même connaît de nombreux déboires après la parution de Thérèse Raquin.

Maupassant se fait construire une maison à Etretat, possède plusieux yatch, aura aussi 3 enfants qu’il ne reconnaîtra jamais. Si le monde de la séduction, du sexe et de l’érotisme jusqu’alors réservé aux femmes entrent aussi dans l’univers masculin, il ouvre aussi la voix à l’angoisse de la mort et la folie.

Miné par sa maladie qui lui donne d’abord des migraines puis des hallucinations, Maupassant décrit la folie qu’il étudie cliniquement aux mardis de Charcot  à la Salpêtrière. Avec le Horla,  il décrit la folie sous la forme d’un journal intime d’un homme en introspection. Ce dernier se réveille la nuit, boit un verre d’eau, repose la carafe à demi vide et se recouche. Peu après il se relève pour boire et s’aperçoit qu’il n’y a plus d’eau.

Elle était vide complètement ! D’abord, je n’y compris rien. Tout à coup, je ressentis une émotion si terrible, que je dus m’asseoir, ou plutôt, que je tombai sur une chaise ! puis, je me redressai d’un saut pour regarder autour de moi ! (….) Mes mains tremblaient ! On avait donc bu cette eau ? Qui ? Moi ? moi, sans doute ? Ce ne pouvait être que moi ? Alors, j’étais somnambule, je vivais, sans le savoir, de cette double vie mystérieuse qui fait douter si un être étranger, inconnaissable et invisible, anime, par moments, quand notre âme est engourdie, notre corps captif qui obéit à cet autre, comme à nous-mêmes, plus qu’à nous-mêmes.

Le texte du Horla se rapproche beaucoup des lettres désespérées que Maupassqant envoie en très grand nombre dans les dernières années de sa vie.

Je crois que c’est le commencement de l’agonie. Mes douleurs de tête sont si fortes que je la serre entre mes deux mains et il me semble que c’est une tête de mort. Certains chiens qui hurlent expriment très bien mon état. C’est une plainte lamentable qui ne s’adresse à rien, qui ne va nulle part, qui ne dit rien et qui jette dans les nuits, le cri d’angoisse enchaînée que je voudrais pouvoir pousser…[…] Le cerveau usé et vivant encore, je ne peux pas écrire. Je n’y vois plus.

C’est le désastre de ma vie. Par ailleurs, il vocifère dans la rue, assurant qu’il avait été attaqué, ou alors assurant qu’il était rempli de sel. Un soir il tente de se jeter par la fenêtre après avoir essayé de s’égorger.

C’est comme cela qu’il est transféré dans la clinique du docteur Blanche à Passy. Ce dernier y a déjà soigné par l’hydrothérapie Van Gogh et Gérard de Nerval. Après de nombreuses crises de délire et d’épilepsie, il décèdera le 5 juillet 1893.

Maupassant un écrivain de génie sombré dans la folie

Véronique Proust